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 2025

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Quelques pages du livre :

50 HISTOIRES 
Nicolas le colporteur
 

LE COMMUNIANT

La tradition chrétienne du pays faisait que des cérémonies régulières s’effectuaient et permettaient de se repérer dans l’année. Périodes incontournables tout le monde, ou presque, respectait ces usages. Chaque saison avait sa célébration. 

S’y ajoutaient les mariages, baptêmes et offices pour un deuil. Personne ne se soustrayait aux fêtes de Pâques et de Noël. S‘intercalaient les processions, les hommages et vénérations aux saints. La foi religieuse guidait les citoyens de toutes conditions.

Nicolas, croyant lui-même, ne manquait jamais une occasion de montrer son respect des pratiques spirituelles. Il était même souvent demandé lors des unions, onctions et enterrements. Sa participation  confortait les participants qui voyaient en lui un homme sage, plein d’expériences diverses honorables, et accompli aux coutumes convenables et décentes. 

C’était une présence familière nécessaire à l’harmonie de la circonstance. Sans être un saint il inspirait cependant une forme de sérénité bienveillante. Nicolas raconta l’histoire suivante :

En passant dans un village situé près d’une rivière sinueuse, ce qui avait eu pour effet de voir les habitations souvent très proches les unes des autres, il lui fut demandé de rester quelques jours pour la célébration de la communion solennelle. Le village était florissant par toutes ses activités agricoles, artisanales et c’était les débuts de l’ère industrielle. 

Les familles qui avaient des enfants âgés d’environ douze ans se devaient de participer à cette cérémonie. Les jeunes savaient qu’ils seraient ce jour-là bénis tant par le prêtre que par leurs proches. Ils n’ignoraient pas non plus que cette journée serait pour eux un tournant dans leur vie.

 Les parents et toute la dynastie avaient des égards en les soignant au mieux dans leur habillement, les garçons en costume souvent pour la première fois, avec une cravate sur une chemise blanche et en leur offrant un brassard éclatant, en robe blanche avec une coiffe pour les filles, sans oublier un beau missel et un chapelet pour l’évènement.

C’était un passage important dans leur enfance. Certains d’entre eux garderont toute leur existence ces objets par respect ou nostalgie de leur jeunesse. Lors de la procession pour aller à l’église ils devaient tous tenir un long cierge immaculé dans une main gantée blanche. Symbole de la lumière chrétienne qui veille sur les humains il restait dans la famille après la communion et devait être rallumé aux occasions importantes de la vie avec la confirmation, le mariage mais aussi les funérailles.

A cet effet des parents d’un jeune garçon en âge de faire cette première communion se mobilisèrent pour lui fournir plus que le nécessaire. L’enfant qui allait devenir un jeune homme par ce sacrement devait être parfait pour ce jour-là. S’étalait aussi une fierté avec un peu de suffisance dans la tenue du jour pour rivaliser avec les autres participants.

Tout fut réglé au mieux et la célébration arriva. Il fallait être prêt pour le cortège et ne pas rater l’heure du lieu de rassemblement. Le communiant qui s’appelait Jacques était un peu fébrile et ses parents de même. Enfin habillé, coiffé, chaussures noires cirées, revêtu du brassard, le livre saint et le chapelet dans la main gauche gantée il ne manquait plus que le cierge. 

Il sortit de la maison et attendit. Par un malheureux faux pas le père en franchissant le seuil se tordit la cheville et se retrouva à genoux. A cause de cette circonstance il lâcha la longue bougie qui se fracassa au sol. Tout le monde était anéanti ! Comment faire pour continuer ? Chacune des personnes présentes se mit à chercher une solution.

La procession commença avec Jacques car son oncle, homme futé, eut une idée qui fut vite mise en application. Il avait dans sa menuiserie des tourillons en hêtre déjà peints en blanc. Il maquilla au mieux les extrémités, fora la partie supérieure et il fixa une mèche pour l’illusion. 

Tout alla pour le mieux, personne ne se douta du stratagème. Sauf que même allumée la flamme ne dura que quelques instants. Certains y virent un signe de dénégation, d’autres furent surpris et quelques-uns comprirent l’artifice. 

Toujours est-il que Jacques fit sa première communion comme les autres et c’était là l’essentiel.

 

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LE COLPORTEUR

 

Dans la profession de colporteur, comme dans toutes les autres, existe une minorité de personnes n’ayant rien à y faire, soit par incompétence, soit par désir excessif du profit au-delà du service à rendre. Nicolas jusqu’à ce jour n’avait qu’à se louer de ses relations avec ses confrères. 

Ceux-ci participaient également à maintenir les échanges pour et par le respect habituel dans la corporation. Personne n’empiétait sur le terrain de l’autre mais parfois ils pouvaient se retrouver dans une commune pour vendre des produits différents ou pour le bénéfice de chacun. La loyauté était permanente dans une courtoisie respective.

Le colporteur est un démarcheur, brocanteur ou sauveteur, mais toujours à l’écoute de la demande dans l’air du temps ou occasionnellement vendeur d’articles insolites ou peu communs. Dans sa hotte, appelée aussi balle (en bois), ses marchandises étaient très diverses.

 Il proposait du tissu, du linge, des rubans et des toiles avec de la mercerie mais aussi des images de toutes sortes dont celles d’Epinal, des cahiers et matériel d’écolier, et au gré des requêtes des onguents, potions, pommades et articles de soins corporels. Selon la période de l’année il distribuait des jouets, des sujets religieux ou de la coutellerie lorsqu’il savait qu’une foire avait lieu sur son trajet.

C’était un métier difficile, à risques, très aléatoire quant aux revenus financiers. Certains clients payaient quelquefois en nature par une poule, lapin ou autre animal. Dans ces cas-là Nicolas s’empressait de revendre la bête ne pouvant s’encombrer de celle-ci. Tout colporteur était censé savoir lire et écrire et être déclaré.

 Peu d’entre eux étaient dans ce cas pour éviter un contrôle et payer la taxe professionnelle. L’activité était organisée de façon à répartir au mieux les territoires pour une harmonie de vente sans exclusivité.

Au cours de l’une de ses tournées Nicolas entendit parler d’un cambriolage qui avait eu lieu peu de temps après son passage dans un village. Les on-dit, ragots, calomnies et médisances étaient quelquefois attribués aux colporteurs ou nomades de toutes sortes. 

C’était un moyen de responsabiliser quelqu’un qui n’était pas du pays et de lui affecter méfaits et forfaits. La source de ces racontars provenait souvent du réel fautif du délit. Ainsi cette personne écartait les éventuels soupçons pouvant lui être imputés.

L’exaction constatée par la maréchaussée il fallait trouver le coupable. Une ferme avait été visitée et dévastée pendant l’absence du paysan et de sa famille partis au champ pour la moisson. Avaient été volés les objets ayant un peu de valeur comme les chandeliers, la pendule, les modestes bijoux, et même les chenets de la cheminée. 

Mais tout avait été chamboulé dans le logement, le ou les intrus cherchaient peut être l’argent, les pièces d’or ou les Louis. Craintif le paysan n’avait rien laissé d’exceptionnel dans les pièces où vivait toute la communauté.

Le désordre fut constaté par les gendarmes et une petite liste fut établie. Allant de communes en communes à cheval ceux-ci firent le tour des villages proches par prévention et avertissement à la population. Tous les commerçants itinérants furent inquiétés et fouillés. Nicolas n’échappa pas à cette confrontation. 

Après avoir vidé sa hotte, sa musette et ses poches, il fut libéré de cette obligation et reçu un sauf-conduit pour éviter un second désagrément. Bien sûr il pouvait très bien avoir caché le butin ou avoir un receleur, mais c’est avec l’esprit tranquille qu’il repartit continuer sa tournée.

Ce n’est que bien des mois après qu’il apprit que l’affaire avait été élucidée. Le paysan avait manigancé, avec son commis, le cambriolage afin de ne pas faire profiter sa famille du « trésor » dissimulé dans la charpente de la ferme. Mais le valet, oublié par le maître, alla raconter sa mésaventure à la servante du curé qui ne savait pas tenir sa langue. 

Évidemment peu de temps après l’autorité publique sut également qu’elle avait été mystifiée et réagit avec fermeté. Le paysan accusé d’affront envers l’administration fut condamné à une amende importante et à une astreinte légale de demeurer sur le territoire pendant au moins une année. Cette dernière sentence dans l’esprit de le montrer aux villageois en exemple.

Nicolas qui connaissait l’homme ne fut pas trop surpris. Il continua malgré tout à aller le voir et à traiter avec lui quelques menues affaires. Après tout, l’avarice est peut-être un défaut mais qui n’en a pas un !

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LE CHIEN

 

Partout où Nicolas a pu passer il rencontrait des chiens. Dans les fermes ils étaient attachés à leur niche. Parfois on les trouvait dans les étables et même dans les porcheries où ils gardaient les animaux contre le vol. Rien de plus efficace. 

Mais il y avait aussi les chiens errants, ceux qui avaient été abandonnés par leurs maitres qui ne voulaient pas s’en occuper ou ceux qui avaient un défaut physique, parfois une tare. A travers les bois et les forêts ils rodaient à la recherche de nourriture.

 C’est pour cette raison que Nicolas avait toujours son bâton, pour se défendre au cas où il serait attaqué !

Tous les chiens lâchés dans la nature n’étaient pas méchants. Parfois même ils recherchaient la compagnie de l’homme. C’est ce qui arriva au colporteur. Un cabot de taille moyenne apparut un jour devant lui sans le menacer. 

Au contraire il semblait content de le voir. Il s’approcha et regarda Nicolas. Sa bonne tête fit de lui aussitôt un ami. Mais le colporteur ne voulait pas de compagnie canine. Il avait déjà  eu un animal, un âne, qui lui avait procuré des satisfactions par son aide mais aussi des contraintes à cause de son entretien journalier.

Aussi il essaya de chasser le chien qui semblait être un croisé de races nobles. Il reprit sa route désirant semer l’animal mais celui-ci le suivait de loin. Au bout de quelques temps de marche Nicolas sentait bien qu’il était talonné.

 Il se retourna et aussitôt le chien se rapprocha. Quoi faire pour s’en débarrasser. Le colporteur prit un bout de bois trouvé au bord du chemin et le lança au loin. Instinctivement l’animal courut après et disparut dans la forêt toute proche. Rapidement Nicolas accéléra le pas et ne se retourna plus.

Mais au détour du chemin le chien était là avec dans sa gueule le morceau de bois. Il attendait l’arrivée du maître ce que compris Nicolas qui ne put s’empêcher de sourire. Bon se dit-il on va faire un bout de chemin ensemble jusqu’au prochain village dont on apercevait le clocher au loin. 

Et les deux comparses désormais réunis par le hasard marchèrent de concert. Lorsqu’ils arrivèrent ils furent accueillis avec amabilité. Le colporteur était attendu. C’était pour lui un passage régulier dans la commune et beaucoup d’habitants le guettaient. Ils n’achetaient pas forcément mais souvent parlaient avec Nicolas et quelquefois l’invitaient le soir chez eux, où toute la famille se réunissait, pour l’entendre raconter ses histoires vraies ou imaginaires.

C’était un personnage important dans la mesure où par ses connaissances il apportait à tous des nouvelles des villages voisins et aussi des informations diverses sur l’évolution du pays et des façons de vivre par ailleurs. Aux veillées tout le monde l’écoutait. 

Aux questions il répondait au mieux avec le plus de vérité possible mais parfois brodait un peu si le sujet ne lui était pas trop familier. Il ne mentait jamais par respect des auditeurs et s’il ignorait un thème posé il le faisait savoir. Mais bien souvent c’était lui qui amenait la conversation et ses contes étaient toujours très écoutés.

Vint le moment où un petit garçon lui posa une question d’une voix tranquille : « Monsieur, le chien qui est à côté de vous, comment il s’appelle ? »  Pris de court, mystère, quoi répondre se dit le colporteur, j’ignore tout de cet animal, son âge, son pédigrée, d’où il vient, que vais-je lui dire à ce gamin. Puis pour ne pas paraître ballot il répondit : « c’est Hannibal. » « Quel drôle de nom pour un chien dit le jeunot, ça vient d’où ? ».

Hannibal est d’origine grecque dit Nicolas. Son maître avant moi vivait loin d’ici. Mais un jour sur le bateau qui les amenait en France une tempête les fit chavirer et seul ce chien survécut. Il avait nagé jusqu’au rivage où il fut recueilli par un ami, également colporteur mais qui, âgé, ne pouvait pas le garder. 

Il est avec moi maintenant. Il y a bien longtemps Hannibal était le nom d’un général qui lutta contre l’empire romain et qui est resté célèbre pour avoir fait traverser les Alpes à des éléphants avec ses soldats pour prendre la ville de Rome. A son écoute le garçon comprit tout et s’extasia sur le récit de Nicolas. Il s’approcha du chien, lui fit une caresse sur la tête et partit.

Le colporteur n’insista pas, reprit son barda, et se dirigea vers la maison qui devait le recevoir pour la nuit. Toujours suivi. Mais le chien resta à l’extérieur du logis et le fermier lui prépara une couche de paille à l’étable. Il aimait bien les bêtes et les respectait. Elles étaient pour lui sa raison de vivre et le chien le gardien du cheptel.

 Le lendemain en repartant Nicolas et Hannibal allèrent faire un tour sur la place. C’était jour de marché et quelques objets furent vendus ou échangés. C’est là que, surprise, le chien se mit à danser sur ses pattes arrières au son inattendu d’un violon au détour d’une rue. Les passants s’arrêtèrent, regardèrent et applaudirent en donnant quelques pièces à Nicolas. Hannibal eut droit à une superbe pâtée. En fait le chien faisait le cabot.

 
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